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EXPOSITION DE 1950 A PARIS (Galerie Drouant-David)

EXPOSITION DE 1950 A PARIS
(Galerie Drouant-David)

ROLF

Préface au catalogue par Maximilien GAUTHIER

 

En 1934, il y aura bientôt 16 ans, ROLF, tout jeune exposait à Paris, dans une Galerie de la rue de Sèze, aujourd’hui disparue, quatre-vingts toiles et trente et un dessins qu’il venait de rapporter d’Espagne. C’étaient des paysages de Cadaquès, de Llansa, des marines, des portraits, des scènes de la vie populaire, tout une sorte de reportage exact, et parfaitement lisible, sur une région sévère, avec des types assortis.

 

Louis Vauxcelles avait écrit la préface de ce catalogue.

 

En dépit du temps écoulé, et de l’évolution de ROLF, de la nouveauté de ses recherches actuelles, on est heureux de constater combien cette préface convient encore à la définition d’un talent dont l’individualité n’a fait depuis, au fond, que se préciser dans la force. C’est que Vauxcelles, encore que très attaché à l’art figuratif, n’était pas insensible aux austères séductions de la peinture pure, isolée de tout soutien anecdotique, et qu’il avait su discerner ce que ROLF donnait à ressentir, en sus de la justesse de ses images empruntées à la réalité directe : un tempérament plus nordique que latin ; une âpreté hautaine ; une prédilection pour les caractères accentués ; un style d’une mâle rudesse ; une âme intransigeante ; un coloriste raffiné, ami de l’améthyste appâlie de la turquoise verdissante. Il le louait d’être allé découvrir, en Catalogne, le décor de son rêve intérieur, et ajoutait : « Son art est aussi peu commercial que possible ; seuls ceux qui chérissent la peinture pour ses mérites spécifiques, pour l’opulence sourde des accords, la sonorité d’une matière qui se fondra avec les ans et prendra l’aspect d’une poterie ancienne, ceux-là seuls applaudiront ROLF. »

 

Les tableaux récents de ROLF n’ont pas cessé de justifier un tel éloge : il maçonne, concluait Vauxcelles, de puissantes figures sculpturalement construites.

 

On le Dira encore en 1950.

 

ROLF a-t-il bien fait de renoncer à porter témoignage sur les apparences tangibles ? Le premier, ou même le seul devoir du peintre est-il de s’adresser à la mémoire visuelle de chacun, ou bien est-il de favoriser les élans de l’imagination ? Faut-il décrire, ou convient-il, plutôt de rêver en termes plastiques ? On a souvent le tort de prendre, à l’égard de ses questions, un parti aussi catégorique que violent, soit pour, soit contre, comme si, en art tout aussi bien que dans la généralité des choses humaines, la vérité avait un jour cessé de ressembler, pour la souple mobilité et la nuance, selon la belle expresion de Renan, au cou de la colombe. Je pense, quant à moi, qu’il n’y a pas de principe esthétique capable d’uniformiser l’inspiration ni l’expression, et que c’est par bonheur que la plupart des grands problèmes appellent surtout, dans ce domaine, des solutions individuelles.

 

ROLF, en particulier, a considérablement gagné à rompre les amarres si le résultat, en fin de compte, juge l’action.

 

Le plus sûr moyen de ne pas prendre, à la vue de ses œuvres, les plaisirs principaux qui nous y sont offerts ce serait de les considérer, d’abord, comme des rébus à déchiffrer, des représentations, obscures, de faits et d’objets ordinaires. ROLF, nécessairement, trouve dans la nature les points d’appui, la base et le départ de ses compositions, mais il constitue lui-même, par la chair et par l’esprit, une fraction de nature dont la réalité ne lui semble pas contestable et à partir de laquelle, par conséquent, il s’estime en droit de construire des cristallisations reflétant tout ensemble, pour les combiner plastiquement, les motifs de délectation, de pensée, de rêverie, que le monde extérieur lui apporte, et les mouvements déterminés, dans son for intérieur, par ces mêmes motifs. Il en résulte, évidemment, des harmonies de formes et de couleurs rien moins que banales, et qu’il faut même envisager comme des créations.

 

Le climat de ces créations pourra déplaire, ou ravir, éveiller la sympathie ou la fureur. Mais ROLF a la sagesse et la fierté, de ne pas espérer séduire, d’un seul coup, tous les regards ni toutes les âmes. Sa tentative, bien particulière, à égale distance du cubisme et du surréalisme classique, mérite en tout cas de ne laisser personne indifférent. Le beau fruit de la lumière, comme disait Guillaume Apollinaire, est riche d’extraordinaires saveurs dans ses toiles irréprochables sous le rapport du métier strictement pictural et qui évoquent tour à tour la transparence du vitrail et la dureté de l’émail.

 

Maximilien GAUTHIER.