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EXPOSITION DE MARS 1953 à la Galerie Mirador

EXPOSITION DE MARS 1953
à la Galerie Mirador

ROLF

Préface au catalogue par Guy DORNAND

 

La personnalité d’un artiste, l’authenticité de son tempérament ne sont pas ce qu’un vain peuple pense. Rien de commun avec la production à la chaîne, en séries standard, de paysages jurassiens fleuris de bruyères, de chemins creux sous un ciel tourmenté d’hiver ou de moquettes de carrelages polychromes qui se prétendent abstraits… La tendance n’entre pas en ligne de compte, un Paul Klee eût aussi bien pu demeurer un grand impressionniste qu’un grand « fauve » avant d’être le protagoniste éminent de l’astraction. Le « tempérament » s’affirme partout, à toutes les étapes de l’oeuvre de l’artiste sachant qu’il faut « évoluer ou périr », de l’artiste resté rebelle aux courants de la mode, aux impératifs de « Chapelles », aux sloggans du snobisme, qui crée sous l’impulsion majeure de sa vie intérieure, de son expérience du « dur métiers de vivre ». Armé de ses méditations solitaires autant que de technique tenacement cultivée.

 

La présente exposition de ROLF m’oblige à proférer ces vérités premières – qu’on m’excuse. Car le privilège d’une amitié solidement nouée depuis 1949 m’a permis de connaître, de lui , des toiles qui remontent bien avant la date de son exposition de 1950. D’aucune dataient de 1933, l’élément essentiel d’une présentation, qu’avaient commentée magistralement la vision et la plume expertes de Louis Vauxcelles. Ces tableaux-ci attestaient tantôt une interprétation goyes, que des êtres, tantôt leur transposition dans un climat chromatique parent de celui d’Odilon Redon. Et, dans le dédale d’un garde-meubles niçois, il me fut possible d’admirer le scrupuleux classicisme de figures d’une expressivité poignante ou tendre ou fantastique, charpentée par le plus sûr dessin.

 

1950… Chez Drouant-David, mon ami Maximilien Gauthier, ce cher découvreur, eut l’occasion de désigner en Rolf un peintre sans parti-pris préconçu à l’égard des problèmes plastiques essentiels, qui, traduisant ses rêves à partir de points d’appui pris dans la nature, recréant des êtres ou des formes parées de « cristallisations » somptueuses puisées dans la riche matière de sa palette, oeuvrait « à égale distance du cubisme et du surréalisme ».

 

1953… On ne reprochera pas à ROLF cet abusif étalage de leur production qui assimile tant de peintres moins qualifiés aux orgnisateurs d’exhibitions annuelles de linge ou de casseroles… ROLF montre ici ses toiles récentes. Ainsi qu’il était aisé de le pronostiquer, voilà trois ans, cet homme (peut-on séparer l’artiste de l’homme ?) trop épris d’humain pour ne pas demander à son être affectif l’essentiel de son inspiration, s’est détourné des phantasmes ou des constructions géométriques à travers quoi pourtant, il était l’un des rares qui puissent être eux-mêmes.

 

Un visage de vierge pensive, une tête de femme rêveuse sous les plis de son châle, un Christ étonné peut-être par la prescience de l’usage qui serait fait de son sacrifice épique, une figure d’enfant ou se reflète une tendresse paternelle, une silhouette d’homme innombrable tout pareil à tant d’inconnus, voici ses thèmes présents, traités, sur des fonds soigneusement, subtilement modulés, dans des gammes discrètes de gris et de « terres » dont les valeurs attestent la virtuosité et le don du vrai coloriste.

 

Où donc est l’unité continue de ses œuvres ?… Elle est dans les caractéristiques déjà définies en 1934 par Vauxcelles, qui restent actuelles et qu’on ne saurait mieux traduire que par ses termes mêmes : « tempérament plus nordique que latin… âpreté hautaine… prédilection pour les caractères accentués… âme intransigeante… opulence sourde des accords… sonorité de la matière… puissantes figures sculpturalement construites… ».

 

Vérités d’ il y a vingt ans, vérités d’aujourd’hui. Ainsi se démontre la vigoureuse personnalité de cette force plastique et sensible : ROLF.

 

Guy DORMAND.